L’Héritage de Kaamelott, saison 6.

Il ne fallait surtout pas se précipiter pour juger les ultimes saisons de Kaamelott, toujours écrites, réalisées et jouées par Alexandre Astier et sa troupe. Suites inattendues de la série culte, couronnée de succès en petits sketches irrésistibles sur M6, elles ont permis de confirmer qu’au-delà de la réussite en tant que telle, il y a derrière un auteur qui sait où il va. C’est-à-dire loin. Très loin. C’est l’avantage du retardataire, qui ne se met pas la pression pour découvrir ou redécouvrir les œuvres contemporaines. Tout particulièrement la saison 6 de Kaamelott, petit bijou de précision qui reste à ce jour la dernière contribution filmée de l’épopée. En attendant la suite, promise mais retardée, au cinéma.

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La saison 6 de Kaamelott est parfaite. Rien à jeter, rien à ajouter. Chaque élément est à sa place, on ne sait pas toujours pourquoi, on finit par comprendre, mais seulement quand l’auteur vous y autorise. La maîtrise, en écriture, cela peut ressembler à ça.

Moi, bêtement, je ne comprenais pas vraiment ce que Tcheky Karyo venait faire là. Heureux de le voir, bien entendu, avec les collègues du Dob, impeccables dans leurs rôles. Un peu costaud, quand même, comme personnage, pour un chef de guerre abimé par 13 ans de siège en territoire breton, sans succès. Du grand luxe. Je me suis laissé ainsi balader avant de prendre en pleine face la raison de sa présence. Patience. Tout est calculé.

La bonne série, c’est celle qui surprend, où s’entre-mèlent différentes histoires, où tout se résout petit à petit. On ne s’ennuie pas, l’auteur nous donne un petit quelque chose à chaque épisode, et de temps en temps, il lâche le gros morceau, parfois juste avant le générique de fin, parfois un peu plus tôt pour caser une dernière scène qui introduit le prochain épisode. Ou qui vous en rebouche un coin. Il joue de tout, se répète rarement, fait évoluer ses personnages et arrive à être raccord avec la suite, qui viendra 15 ans plus tard. Il installe patiemment, sans effort (pour nous spectateurs), un à un, tous les concepts de la série. Plus fin que Lucas.

Et ce n’est que quelques années après avoir digéré le Kaamelott-en-sketches, irrésistible et qui se laisse regarder de nouveau au gré des nombreuses rediffusions (vous en connaissez beaucoup, des séries françaises qu’on ressert aussi souvent par soirées entières ?), que l’on peut vraiment apprécier l’escapade à Cinnecità sans regrets, juste pour le plaisir d’en prendre plein la tête. Et on comprend qu’il y a un film, peut-être même plusieurs, à attendre d’un auteur pareil, sur le même sujet. Et là, les Tcheky Karyo et autres ne seront pas de trop. Avec encore plus de moyens, un écran encore plus large, une ambition encore plus grande, que va-t-il nous sortir, le fou-furieux Astier ? Un soldat Ryan en jupettes et boucliers ? Un Seigneur des Anneaux en français dans le texte ? Un 300 en kilt ?

En attendant que la bataille ne s’achève en coulisses, et que les artistes puissent enfin travailler en paix, si vous avez un peu loupé cette saison-là lors de sa première diffusion, si vous n’avez pas compris où il voulait en venir, le père Astier, avec ses folies de grandeur, le retardataire vous invite à passer la tête sous l’eau, respirer un bon coup, et reprendre cette saison 6 depuis le début sans nostalgie pour les sketches, comme on aborde une série américaine ou un film. Et c’est du bonheur. Vous pouvez toujours vous poiler en regardant les premières saisons, mais si vous aimez l’aventure, c’est par là.